Nuit masquée

Audrey et Guillaume avaient pour habitude de rencontrer une première fois leurs futurs camarades de jeu en terrain neutre afin de s’assurer que l'entente et le désir soient réciproques. Il leur était d'ailleurs arrivé à plusieurs reprises de ne pas souhaiter revoir les personnes, mais aussi d'être poliment remerciés s’ils n'avaient pas l'heur de plaire.

 

Mais le Covid étant passé par là et les bars et restaurants ayant été fermés pendant un long moment, ils avaient dû réviser leurs pratiques. Ils avaient donc décidé qu'une conversation téléphonique serait désormais le seul préalable à une rencontre. D'abord pour s’assurer que ce qu'indiquait la fiche correspondait bien à la réalité (qu'un "couple" était bien composé de deux personnes, un homme et une femme présents tous deux et tous deux motivés pour coquiner...) et ensuite parce que la voix leur semblait un puissant vecteur d'émotion et d'érotisme. Parfois, ils ne donnaient pas suite à une conversation car la voix, le phrasé ou le pauvre vocabulaire de leur correspondant ne les inspirait  pas.

 

Ce soir-là, ils étaient allongés, la tablette à proximité, occupés à des préliminaires fort plaisants. Quelques conversations étaient en cours, des messieurs qui semblaient davantage intéressés par la discussion que par une rencontre réelle.

 

Puis, un monsieur d'une quarantaine d'années prit contact, se présenta et entama une discussion évocatrice ; sa fiche indiquait qu'il habitait à proximité, quelques kilomètres tout au plus. La conversation se précisa, monta en température ; ils lui indiquèrent qu’ils souhaitaient l'entendre avant d'envisager toute rencontre et il leur donna dans l'instant son numéro de téléphone. Ils l'appelèrent immédiatement : la voix était agréable, la conversation courtoise tout en étant coquine... Très vite, il leur suggéra un scénario : il leur proposa de venir chez eux pendant qu’Audrey serait fort légèrement vêtue, les yeux bandés. Guillaume l'accueillerait, l'emmènerait jusqu'à la chambre et ils passeraient un moment en sa compagnie, sans jamais qu’Audrey ne retire son bandeau. Il ajouta qu'il allait raccrocher et attendre leur réponse, positive ou négative. Ce qu'il fit rapidement après les avoir salués.

Cette suggestion était entrée en résonance avec un fantasme qu’Audrey avait déjà évoqué à Guillaume ; l'idée même du "c'est possible, maintenant ! Il suffit de le vouloir." Elle était particulièrement excitante. Ils ne mirent que quelques minutes à se décider et à le rappeler afin d'accepter sa proposition et de lui indiquer les coordonnées de la maison.

 

Moins de vingt minutes plus tard, la sonnette retentissait ; conformément au scénario, Audrey l’attendait sur le lit, vêtue d'une nuisette et les yeux masqués d'un bandeau noir. Guillaume alla ouvrir la porte et Audrey entendit une courte conversation à voix basse. Puis des pas, la voix du téléphone qui la salua et des mains qui se mirent à l'explorer, à la caresser, à la diriger avec douceur. Privée de la vue, tous ses autres sens semblaient exacerbés : elle tentait de deviner le moindre mouvement, attentive à la moindre intonation de voix qui trahirait la satisfaction ou la gêne.

 

Ils jouèrent ainsi tous trois une heure environ, puis leur invité leur chuchota à l'oreille qu'il allait se retirer sur la pointe des pieds afin de les laisser tous deux poursuivre la soirée. Il les remercia de ce moment et leur proposa, s’ils le souhaitaient, de se revoir de façon plus classique. A leur tour, ils le remercièrent et lui répondirent qu’ils seraient ravis - surtout Audrey - de le découvrir. Guillaume le raccompagna alors à la porte puis revint près de son épouse.

 

Ils échangèrent leurs impressions : Audrey avait apprécié la douceur des gestes, le parfum de la peau, la voix ; Guillaume lui dit qu'il l'avait trouvé élégant, courtois et plutôt bien fait de sa personne. Pour tous les deux, ce scénario réalisé de façon improvisée avait décuplé leur désir et ils poursuivirent le jeu en duo jusqu'à une heure avancée de la nuit.

 

A bientôt pour une nouvelle aventure...

G.