Insomnie

Je me réveille. L'obscurité est presque totale dans la chambre et aucun bruit ne vient troubler le silence de la maison endormie. Mon regard se porte sur le réveil. Celui-ci affiche quatre heures seize. Je m'apprête à enfouir ma tête dans l'oreiller de plumes pour me jeter à nouveau dans les bras de Morphée lorsqu'un détail attire mon attention. La respiration de ma chère et tendre compagne allongée à mes côtés, me semble inhabituelle, saccadée.

Tel un chien d'arrêt, je reste pétrifié, à l'écoute de sa respiration. Mon esprit se réveille immédiatement et je l'imagine, réveillée elle aussi, se donnant du plaisir afin de tenter de se rendormir. Mon cœur bat à très vive allure. Je n'ose bouger, de peur qu'elle s'aperçoive que je l'épie et qu'elle mette fin à ses plaisirs solitaires.

J'ai tant rêvé de cet instant que je considère comme magique que je ne sais plus quelle attitude adopter. Dois-je faire un geste afin de lui signifier que je suis réveillé ? Dans ce cas elle risque de s'arrêter net, mettant ainsi fin au plaisir que j'ai déjà à seulement l'écouter. Si elle ne s'arrête pas, ce moment privilégié a toutes les chances de finir en un gros câlin, brisant, là encore, la magie de l'instant. Je reste immobile et discret, auditeur silencieux de son plaisir, afin de m'enivrer du son de sa respiration, simplement excité par le fait qu'elle se donne, seule, du plaisir à quelques centimètres de moi, en s'imaginant que je dors et en pensant, peut-être, à d'autres partenaires pour accentuer son plaisir.

J'ai du mal à analyser pourquoi le fait de m'apercevoir qu'elle se donne du plaisir à mes côtés me fait cet effet. Car si cette situation m'excite, il s'agit en fait plus d'une excitation de tous mes sens, plutôt que d'une stricte excitation sexuelle. Lorsqu'au cours de nos jeux elle vient se positionner en levrette devant moi, m'offrant sa croupe généreuse, l'excitation est purement sexuelle. J'ai une érection et une grosse envie d'elle.

Là c'est différent. Je suis bien sûr excité et cela se traduit par une érection, mais d'autres phénomènes physiologiques l'accompagnent. Mon cœur bat la chamade, je transpire et je crois ressentir les mêmes sensations que lors d'un premier rendez-vous amoureux lorsque l'on est excité sexuellement mais que l'on est surtout terriblement ému par cet instant que l'on redoute à tout moment de briser. Comme lors d'un premier rendez-vous amoureux, je vis un instant émotionnel fort, que je n'ai jamais vécu auparavant et que je ne maîtrise pas.

Sa respiration, me semble-t-il, poursuit son rythme saccadé. Je m'interroge. Est-elle réellement occupée à s'adonner à des plaisirs solitaires ou bien sa respiration n'est-elle que le fruit de ses rêves ? Lorsqu'elle arrivera au plaisir, étouffera-t-elle un cri qui me laissera deviner qu'elle est parvenue à l'orgasme, ou bien ce plaisir mécanique ne provoquera-t-il en elle qu'un imperceptible frisson ? Tant de questions sans réponse. Je n'ai qu'une envie : pouvoir discerner, par un très léger mouvement de la couette, le mouvement de sa main sur son sexe qui s'achève par un discret soupir, signature de son arrivée à l'orgasme.

Le cœur battant, ma main se porte sur mon sexe, et à l'unisson de ma femme, j'entreprends de me caresser. Le fait que ma femme m'excite à ce point et me mette dans tous mes états me procure une énorme bouffée de tendresse. Instinctivement ma main continue de coulisser sur mon sexe durci.

Je sais bien que c'est impossible, mais j'aimerais me blottir dans ses bras, profiter de la chaleur de son corps tandis que sa main continue son œuvre. Le souvenir d'une émotion similaire se présente à mon esprit. Un matin de permission durant mon service militaire, j'étais venu surprendre ma belle à son réveil, Après avoir présenté mes civilités à sa mère, puis pénétré dans sa chambre, j'avais doucement soulevé la couette et m'étais blotti contre son corps nu et chaud. Elle s'était alors réveillé dans mes bras, me procurant un grand bonheur.

Aujourd'hui le bonheur de me blottir contre elle est intact. Sa respiration se fait plus lente, plus profonde. Peut-être est-elle arrivée au plaisir. Peut-être s'est-elle endormie. Ou bien ses rêves la portent-elle vers de nouveaux horizons. Je n'en saurais rien.

En pensant à elle, je cale ma tête dans le traversin et tente de me rendormir. Il faudra que demain matin, au réveil, je pense à lui rappeler que je l'aime.

G.